Zone faibles émissions : quel impact pour les habitants de la région lyonnaise ?
Depuis 2020 des restrictions de circulation ont été instaurées à l’intérieur du périphérique lyonnais. Ces restrictions interviennent dans un plan général de déploiement de zones à faibles émissions mobilité (ZFE) sur tout le territoire français et visent à réduire la pollution générée par les transports en ville.
Différents scénarios sont actuellement étudiés pour décider de l’extension de cette ZFE à l’ensemble de la métropole pour les professionnels et les particuliers. Chaque jour un demi million d’automobilistes traversent cette zone étendue pour se rendre au travail. Nous estimons qu’en 2026 près de 250 000 personnes seront ainsi contraintes à trouver une alternative à leur voiture pour leurs trajets quotidiens.
La ZFE à Lyon, une réalité depuis 2020
La ZFE existe à Lyon depuis le 1er janvier 2020. Elle concerne pour le moment uniquement les véhicules professionnels, soit 15 % des véhicules de l’agglomération.
Une concertation publique est organisée du 3 septembre 2021 au 5 février 2022 sur l’extension du dispositif à tous les véhicules.
Calendrier des interdictions de circulation
La concertation définit un objectif d’interdiction des véhicules diesel et des véhicules Crit’Air 2 et plus à 2026. Le périmètre et le détail du calendrier sont en cours de discussion. Ceci dit, les jalons principaux sont déjà arbitrés :
Périmètre de la ZFE
Le périmètre actuel de la ZFE comprend les villes de Lyon, Caluire-et-Cuire et l’ensemble des secteurs de Villeurbanne, Bron et Vénissieux à l’intérieur du boulevard périphérique.
Une extension du périmètre est à l’étude avec différents scénarios en fonction du type de véhicule (professionnel ou particulier) et de la vignette Crit’Air.
Nous allons dans cet article nous concentrer uniquement sur les scénarios qui ont un impact sur les trajets domicile-travail, donc sur les véhicules particuliers.
Dérogations et mesures d’accompagnement
Pour accompagner ces restrictions les agglomérations et l’état doivent mettre en place un ensemble de mesures et d’aides qui vont permettre aux entreprises et aux particuliers de s’adapter.
Aujourd’hui l’état propose trois aides, cumulables entre elles :
À cela s’ajoute les aides de la métropole.
À nouveau, la concertation doit définir de nouvelles mesures et aides pour accompagner le renouvellement du parc automobile et la transition vers de nouvelles mobilités.
Afin de bien choisir ces mesures d’aide et d’accompagnement, il convient de comprendre l’impact potentiel de la ZFE sur les habitants de la région lyonnaise. Pour cela nous étudions dans le détail les trajets domicile-travail des personnes qui résident ou qui travaillent dans le futur périmètre de la ZFE. Ces déplacements sont un pourvoyeur majeur du trafic routier quotidien, et, comme ils sont quasiment irréductibles, ils constituent une bonne mesure de l’effet minimal de la ZFE.
Les trajets quotidiens comme baromètre de la ZFE
Pour évaluer l’ampleur des changements que la ZFE va occasionner, nous nous sommes intéressés aux trajets domicile-travail des salariés qui la traversent.
À partir des données Insee, nous considérons 775 000 personnes, dont :
Parmi elles, 455 000 utilisent leur voiture quotidiennement pour se rendre sur leur lieu de travail. Dans le scénario le plus ambitieux qui inclut toute la métropole dans la ZFE, elles seront donc toutes soumises à une restriction de circulation.
En considérant les critères de restriction applicables aux véhicules et le renouvellement du parc automobile, cela représente 255 000 automobilistes (56 %) qui devront trouver une alternative à leur mode de transport actuel.
Cependant, selon le scénario de déploiement envisagé pour la ZFE, son impact sera différent. Nous explorons par la suite plusieurs hypothèses pour ce déploiement en nous basant sur les plans prévus par la concertation en cours.
Plusieurs scénarios pour le déploiement
En ce qui concerne les particuliers, la concertation pour la ZFE lyonnaise prévoit actuellement trois scénarios distincts pour l’horizon 2026, que nous étudions plus précisément par la suite :
Une certaine part du parc automobile se renouvelle régulièrement, nous considérons que ce renouvellement se fait vers des véhicules à Crit’Air 0 ou 1. Autrement dit, les nouveaux véhicules sont considérés comme compatible avec la future ZFE. Nous étudions deux hypothèses sur ce renouvellement du parc à l’horizon 2026 :
À l’échelle régionale, entre un tiers et la moitié des automobilistes impactés
Le calcul des populations concernées et de leur mode de transport se base sur les données de l’Insee. Le calcul de la catégorie de véhicule utilisé se base sur les données du SDES en tenant compte du code postal du lieu d’habitation.
Dans ce scénario, le moins restrictif, et dans l’hypothèse d’un fort renouvellement du parc automobile, 160 000 personnes, soit 35 % des 455 000 personnes étudiées devront trouver une alternative à leur voiture en 2026.
Ce chiffre monte à 180 000 personnes avec l’hypothèse d’un renouvellement faible.
Dans ce scénario et dans l’hypothèse d’un fort renouvellement du parc automobile, 197 000 personnes, soit 43 % des 455 000 personnes étudiées devront trouver une alternative à leur voiture en 2026.
Ce chiffre monte à 224 000 personnes avec l’hypothèse d’un renouvellement faible.
Dans ce scénario, le plus restrictif, et dans l’hypothèse d’un fort renouvellement du parc automobile, 255 000 personnes, soit 56 % des 455 000 personnes étudiées devront trouver une alternative à leur voiture en 2026.
Ce chiffre monte à 290 000 personnes avec l’hypothèse d’un renouvellement faible.
L’analyse de ces différents scénarios nous conduit à penser qu’en 2026, entre un tiers et la moitié des salariés de la ZFE qui se rendent au travail en voiture devront trouver un mode de transport alternatif.
À l’échelle locale, des disparités entre le centre et la périphérie de la métropole
Tous les salariés ne seront pas affectés équitablement par le déploiement de la zone faibles émissions.
Nous nous intéressons par la suite toujours aux automobilistes qui seront affectés par la ZFE en 2026 du simple fait de leurs trajets domicile-travail.
Nous les replaçons cette fois-ci dans le contexte de leur commune de résidence pour évaluer l’impact qu’aura la ZFE à l’échelle locale, sur les communes proches de Lyon.
Dans ce scénario, jusqu’à 12 % de la population des communes limitrophes de Lyon sera contrainte de changer de mode de transport pour se rendre au travail en 2026.
Les villes de Caluire-et-Cuire, Chassieu et Fontaines-sur-Saône sont les plus touchées avec plus de 11 % de leur population totale concernée par la ZFE.
Dans ce scénario, jusqu’à 18 % de la population des communes limitrophes de Lyon sera contrainte de changer de mode de transport pour se rendre au travail en 2026.
Les villes de Chassieu, Saint-Priest et Décines-Charpieu sont les plus touchées avec plus de 16 % de leur population totale concernée par la ZFE.
Dans ce scénario, jusqu’à 22 % de la population des communes limitrophes de Lyon sera contrainte de changer de mode de transport pour se rendre au travail en 2026.
Les villes de Solaize, Genay et Jonage sont les plus touchées avec plus de 21 % de leur population totale concernée par la ZFE.
Il apparaît un certain déséquilibre territorial puisque, au moins dans les scénarios 2 et 3, les communes périphériques de la métropole de Lyon seront plus impactées par le déploiement de la ZFE que les communes du centre.
La principale raison pour ce phénomène réside probablement dans la proportion d’automobilistes dans les trajets domicile-travail qui est plus importante à la périphérie de la métropole que dans le centre.
Les alternatives à la voiture individuelle sont aussi plus nombreuses et plus accessibles dans le centre que dans la périphérie, ce qui concourt également à accentuer le déséquilibre déjà constaté.
En somme, pour les communes de la périphérie de la métropole, le défi est de taille. Une plus grande part de leur population va être concernée par la ZFE, et elles offrent a priori moins d’alternatives à la voiture individuelle.
En nous restreignant aux communes de la métropole, nous nous sommes également intéressés à la possible relation entre le niveau de richesse et l’impact de la ZFE.
Aucune corrélation ne semble apparaître entre le niveau de salaire médian et l’ampleur de l’impact de la ZFE à l’échelle des communes. Cette mesure ne semble donc pas atteindre une population spécifique du point de vue des revenus. Pourtant on peut garder à l’esprit que les populations plus pauvres n’auront pas les mêmes difficultés ou les mêmes besoins d’accompagnement suite à la mise en place de cette ZFE que les populations plus riches, même si elles sont concernées par la ZFE dans les mêmes proportions.
Accompagner la transition
Le déploiement de la ZFE va donc avoir un impact important sur la population de la région lyonnaise. Du simple point de vue des trajets domicile-travail, entre un tiers et la moitié des automobilistes devra trouver une alternative à leur voiture d’ici 2026. À l’échelle des communes de la métropole cela représente jusqu’à une personne sur cinq vivant sur leur territoire.
Les entreprises sont directement concernées par ce nouveau dispositif. Elles doivent donc travailler sérieusement sur le sujet de la mobilité de leurs salariés si elles ne veulent pas perdre de leur attractivité.
Pour la suite, nous nous sommes intéressé au cas d’une entreprise représentative des entreprises de la Part-Dieu, pour imaginer quelles mesures pourraient être mises en œuvre pour accompagner ses salariés et faciliter sa transition vers des mobilités moins polluantes. Vous pouvez retrouver cette étude dans l’article dédié : Comment préparer son entreprise aux restrictions de circulation.
Si vous souhaitez connaître la situation plus générale des ZFE en France, vous pouvez également consulter notre article : Les métropoles cherchent leur souffle avec les zones faibles émissions.